mardi 29 avril 2008

Moisissure de la débauche

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Aurions-nous pu vivre autrement ?

Ce soir, il veut en finir. La solitude l’a plongé dans un état terrifiant, faisant de lui un sac de chair fade et fragile. Ses yeux demeurent continuellement éteints, plus rien ne semble le faire réagir. La plaie est trop profonde, et seuls les médicaments et l’alcool parviennent encore à la colmater quelques heures durant. Chaque minute qui passe lui est douloureuse. Si tout pouvait cesser... Rompre avec cette vie morte. Revenir à la surface. Etre et se sentir être. Chasser ses démons n’est cependant pas chose facile quand ils ont provoqués l’accoutumance. Il regarde les bouteilles vides qui jonchent le sol tout en lui faisant les yeux doux... Après tout, on ne peut pas tourner la page d’un seul trait. Quelques amis à la rescousse, et voici comment d’autres bouteilles finissent elles aussi à terre. Ce soir il faut vivre, oublier les mois passés à se détruire. Qu’importe l’excès quand on se sent bien pour la première fois depuis… Depuis quand déjà ? Les sourires s’enchaînent sur son visage, ses yeux pétillent, il apparait comme rarement auprès de ceux qui l’entourent. Et durant quelques secondes, il ressent comme une impression de bien être. Ce soir, il n’est plus seul.

Et sous l'insistance de ses convives, il relève le défi de sortir, d’aller là où il refusait d’entrer, de peur d’être jugé, exclu, rejeté. Les autres ne supportent pas ceux qui, comme lui, vivent dans un état de tristesse permanent, et ce pour divers raisons qu’eux seuls connaissent mieux que quiconque. Ce soir, il est presque comme eux. Ils ne verront pas ce que tu as traversé... A peine entré, les faisceaux inondent sa peau, et son haut blanc prend une teinte d'un bleu à la fois sombre et luisant. Les lumières brusquées machinalement l’aveuglent, la musique qui tente de le dompter l’intrigue, il ne se sent pas à sa place. Il s'imagine s'écrouler à terre, dévoré par les dents de sa folie qui lui a déjà pourri le cœur. Ce genre de pensées lugubres le force à une consommation excessive... Comme s'il était aussi simple de s'en débarasser...

Il lève la tête et croise le regard de celui pour qui tout son intérêt se porte subitement. Ce soir, il croit tomber amoureux. Il le fixe sans relâche, ses yeux se perdent dans son sourire, laissant ses pensées s'emballées. Pourquoi ne me regardes-tu pas ? Les rêveries se mêlent à la réalité, et durant quelques minutes il ne sait plus où il se trouve. Tous deux survolent la ville, l’un toujours là pour l’autre, qu’importe les épreuves. Ses yeux le piquent, mais ce verre à la main l'empêche de les frotter. Cela pourrait être tellement simple, mais ne semble pas être une évidence pour celui qui l'obsède, lui qui semble si inaccessible... Et son ignorance à son égard nourrit sa folie. Tout est encore plus sombre, l'ivresse le pousse à étancher sa soif, tandis qu’un inconnu prend la place qu'il convoitait auprès de son prétendant. Pourquoi lui ? Pourquoi... lui... ? Pourquoi... ? Il lui vole ses rêves tout en lui arrachant le cœur à deux mains. Abattu, il les regarde et comprend qu'il n'a plus aucune chance. Il se sent mal, lourd, et se laisse péniblement accroupir par le poids de la souffrance, dans une indifférence totale. En face de lui, le miroir tapissant l'intégralité du mur lui renvoie une pathétique image de l'instant présent. Et il ne cesse de se voir... Son teint blafard, ses traits grossiers, ses cernes monstrueuses, ses cheveux décoiffés, les imperfections de sa peau... A trop vouloir en faire avec cette apologie de la débauche, te voilà dans un état lamentable. L'électrochoc ne se fait pas attendre. Regarde toi... Regarde ce que tu as fait... Regarde qui tu es...

Sans prévenir personne, il se lève et se précipite vers la sortie. Il parcourt les rues sombres en se griffant les bras jusqu'au sang, balbutie en pleurant des mots que lui même ne comprend pas, s'arrache les cheveux en gémissant... Tout en lui est redevenu aussi froid et malade qu'avant. Il se jette sur sa porte d'entrée qu'il claque violemment derrière lui, et se dirige d'un pas décidé vers sa cuisine. Il contemple son tiroir à couteaux qu'il entend le supplier... Ouvre moi... Ouvre-moi... Les lèvres tremblent, le regard se glace, les paupières se referment, le souffle est court, les larmes coulent, le geste est sec. Ce soir, tout est fini.

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