"Trésor, t'as une vie passionnante."
Aussi anodins qu'ils puissent paraître, ces simples mots résumaient la situation. En un rien de temps, il avait réussi à l'affronter. Venant de sa bouche, l'effet était tel celui d'une bombe. Les rôles avaient enfin finis par s'inverser. Les dures lois de la querelle de couple s'ancraient profondément, menaçant une union jusque là enviée par leur entourage.
Il la connaissait par cœur, et avait su développer une parfaite maitrise du bât qui blesse. Elle tentait tant bien que mal de camoufler ce fait : il l'avait touché en plein cœur. Elle avait tout pour être heureuse, c'est certain. Mais paradoxalement, elle était persuadée de ne pas avoir de vie. Elle "était", certes, mais elle ne profitait de rien. Les seuls petits plaisirs qu'elle parvenait à saisir finissaient inexorablement par lui apporter peine et souffrance. Elle avait beau tenté de s'en dissuader, de dissimuler la vérité, mais au fond d'elle-même, elle en était parfaitement consciente.
Pourquoi l'homme qu'elle chérissait le plus au monde lui crachait-il son venin avec tant de haine ? Pourquoi LUI ? Qu'avait-elle fait pour mériter son mépris ? Était-ce le fait de se renfermer sur elle-même au point d'ignorer le malaise qu'elle instaurait dans son couple qui avait fait déborder le vase au point de mériter tant de rage ? N'était-elle pas déjà dans un état assez lamentable ? Le monde autour d'elle semblait vide et froid. Elle avait mal, et se savait meurtrie par le silence qu'avait engendrée cette attaque. Seules les palpitations de son cœur résonnaient en elle. Elle s'était d'un coup sentie lourde, comme si la gravité forçait son corps à s'enfoncer dans le sol.
Lui demeurait là, inerte devant elle, contemplant non sans plaisir le mal qu'il venait de lui infliger. Ses yeux moqueurs brillaient intensément, ses lèvres mal dessinées laissaient s'échapper un léger sourire narquois. Elle ne le reconnaissait pas. Où était passé l'homme pour qui elle aurait donné sa vie ? Était-ce réellement "lui", ou seulement un piteux sac de viandes vide d'émotions qu'elle avait idéalisé ? Elle était pétrifiée à l'idée de s'être à ce point tromper, mais parvenait néanmoins à dissimuler les doutes qui s'imiscaient en elle.
Le temps semblait s'être arrêté. Leurs regards se figeaient l'un en l'autre, chacun attendant que l'adversaire se décide à prononcer quelques mots, ou tout du moins à faire un geste qui dissiperait ce malaise, les libérant enfin de cet affrontement. Elle était brisée, et il le savait. Peu lui importait, il avait gagné la partie haut la main. Échec et mat.
